Boudin, boudoir et tour de rein

Bon, mais qu'est-ce qui se passe ici? Oui, oui, à peu près rien, je le vois bien. Et je vais vous expliquer pourquoi. Non pas que ce soit très intéressant, mais bon, je me sens un peu coupable de vous avoir abandonné comme ça, sans vous prévenir.

C'est que, voyez-vous, j'étais occupée à bouder. Et ça, c'est pas un truc qui s'anticipe, hein. On dit pas "alors, attendez, je regarde mon planning... ah ben, mince, le 2 novembre à 15 h 30, je serai encore occupée à bouder, c'est dommage.. Par contre, on peut se voir le 13, à partir de 9h-10h, ça devrait m'être passé".

Bon, je suis sûre que vous voyez très bien comment ça fait quelqu'un qui boude... Le cliché veut que ce soit l'enfant qui boude. Ou la fille aussi. Le cliché veut donc que la fille soit quelque part restée un grand enfant. Bref, bouder, c'est souvent croiser ses bras ostensiblement haut sur sa poitrine, en baissant une tête bougonne qui devra avoir les sourcils froncés et la lèvre inférieure sortie en une moue assez ridicule et pas du tout efficace. Et pourquoi on fait une tête pareille? Pour manifester son mécontentement.

Parfois, le boudin le boudage le boudement  la boudation la boude le fait de bouder peut se faire simplement avec un silence ostentatoire. Ce qui évite les crampes du visage si jamais le mécontentement dure trop longtemps.

Et puis, on n'a pas besoin d'un boudoir pour bouder. C'est ça qui est bien avec le boudin le boudage le boudement  la boudation la boude le fait de bouder; ça peut se faire n'importe où, et pour n'importe quelle raison. On peut bouder dans un boudoir mais pas que. On peut aussi bouder dans une voiture, dans une chambre, à une réunion de famille, dans un cabinet de dentiste, à la montagne, en boîte de nuit, chez des amis autour d'une raclette (même si c'est dommage de pas en profiter), à son mariage (bon, ça dépend du mari aussi) , à une fête d'anniversaire (là, ça dépend des cadeaux), devant une assiette de choux de Bruxelles (là, c'est complètement justifié), bref les occasions sont nombreuses.

Moi, j'ai boudé longtemps mais je ne sais plus trop comment c'est parti. Je crois que c'était un mécontentement général. Il n'est pas parti pour autant, mais je me rends compte que bouder le blog n'est pas une bonne manière de faire. Parce que j'ai tellement de choses à vous raconter. Remarquez, bouder les autres, c'est pas vraiment mieux. Bouder en général, ça n'améliore pas les rapports humains, ça ne règle pas les problèmes.

Par exemple, pendant mon bon mois de boudin, aucun banquier ne m'a appelé pour me dire "écoutez ma pauvre Pierrette, ce n'est plus tolérable, ce silence. Vous ne pouvez pas imposer ça au monde entier, à vos lecteurs assidus et passionnés... Nous ne le supportons plus, c'est trop dur pour nous tous. Alors j'ai décidé de virer un peu d'argent sur votre compte, en attendant que ça se stabilise.." Non aucun banquier n'a fait ça. Alors que ça m'aurait fait bouder un peu moins.

Aucun employeur ne m'a écrit pour m'annoncer qu'il m'embauchait pour faire un travail passionnant (ou à défaut rémunéré), histoire d'épargner mon entourage de ma boude généralisée.

D'ailleurs, j'ai tellement bien boudé discrètement que peu de gens se sont rendus compte que je boudais. Mais je n'en veux à personne, hein, attention. Le boudage est nécessaire tant qu'il permet de faire des mises à jour. Mais au bout d'un moment, il faut arrêter le boudement. Et c'est tout un art, d'arrêter. Bien sûr, ce n'est pas aussi difficile que d'arrêter la clope. Mais quand même.

Il faut passer au-delà de sa honte. Parce que la boudation longue, c'est un peu la honte quand même. C'est un peu la preuve qu'on est resté un petit enfant capricieux qui préfère faire la tête dans un coin qu'affronter ses problèmes et se mettre un coup de pied aux fesses.

Même si se mettre un coup de pied aux fesses à soi-même risque d'impliquer un tour de rein.