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   Les Tribulations de                  Pierrette Bourge
24 mars 2013

Détour par Bruxelles, extrait de la Mémoire Carcassonne

Extrait de la Mémoire Carcassonne

 

Azélaïs est allée voir ailleurs. Pas voir s’il y était, non. Voir qui il y avait d’autre. Et elle a vu. Elle a eu besoin de changer d’air. Etre sûre de ne plus croiser personne qui connaît ses travers. A Bruxelles, au moins, sa réputation est sauve. Quoi de mieux, pour changer de soi, que de changer d’autres, de ceux qu’on voit tous les jours…

 

Elle s’est retrouvé assise à côté de lui. Tanguy est beau, blond, coiffé à la diable, et parle avec les mains. Un artiste, apparemment, peintre, sculpteur ; ils ont un ami commun musicien dans un groupe de rock. Elle a tout de suite senti qu’il était joueur, et a décidé de s’amuser aussi. Elle rêvait d’un beau duel de séduction, elle avait préparé ses armes, elle se sentait prête à l’affronter. Mais l’alcool a pipé les dés. Une fois imbibé, il ne s’est plus défendu bien fort. Il l’a titillé un peu, puis s’est rabattu sur une moins farouche. Une brune de 17 ans, répondant au nom de Groupie, qui fit des envieuses parmi les autres groupies.

Pour rentrer après le concert, ils se sont entassés à huit dans une vieille Volkswagen. Un NightShop plus tard, la main dans celle de Groupie, Tanguy a encore répété à Azélaïs qu’elle était jolie. Il a réclamé un baiser, les yeux abrutis par la bière. Azélaïs a rassuré Groupie d’un sourire compatissant, et a continué à discuter avec son voisin, bassiste et amateur de bandes dessinées. A trois heures du matin, ils ont mangé une soupe aux poireaux, et Tanguy a monté la petite dans sa chambre.

Elle a simulé toute la nuit.

Au petit matin, ils sont descendus boire un café. Plus de lait, plus de sucre. Groupie sirote lentement le café noir, grimace quand Tanguy a le dos tourné. Visiblement, elle n’aime pas ça. Mais elle ne se plaint pas. Ca fait plus rock’n roll de boire du café noir, trop fort. Le sucre, c’est pour les gamines. Elle fait la grande : elle a couché avec Tanguy. Elle s’est arrangée pour que toute la maisonnée le sache. Elle est toute fière, elle pense sûrement que ça lui confère un petit prestige.

Elle le regarde fouiller les placards, à la recherche d’un quignon de pain, pour y étaler de la confiture à l’abricot. Les parois du pot sont verdâtres, de petites auréoles bleues parsèment le reste. Groupie a bien vu que la confiote est moisie. Elle ferme ses yeux en point d’interrogation quand il y trempe une cuillère. Ne pas le contrarier, rester rock’n roll jusqu’au bout ; après tout, c’est peut être très bon, la confiture moisie. Tanguy est un artiste, et un artiste se tient toujours en dehors des conventions. Il enfourne la cuillère dans sa bouche. Est-ce qu’il se lavera les dents avant de l’embrasser de nouveau ?

Il enfile sa veste, elle fait de même. Surtout, ne pas rater les adieux, peut être y aura-t-il un rendez-vous à la clé… Le suivre jusqu’au bout de la rue, gagner deux petites minutes en sa compagnie, jouer à la petite amie, encore un peu, se laisser le droit d’y croire, au moins jusqu’au bout de la rue.

Il se tient debout près de la table, lance un « à tantôt » à la cantonade, avant de poser un regard tendre sur la petite. La reconnaissance de la bite. C’est un peu écœurant.

Quand la rue atteindra son bout, il partira sans se retourner, mais Groupie admirera sa silhouette qui s’éloigne, en se disant que peut être, samedi prochain, il se souviendra d’elle.

 

Azélaïs a passé la nuit en compagnie d’un oreiller, sur un divan du séjour. Et son piètre adversaire a sauté une greluche de 17 ans. Mais dans le combat de la séduction, elle se voit en vainqueur. Elle a refusé l’oubli facile. Sur son relevé de notes, elle écrit fièrement « en progrès » et souligne en vert.

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