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   Les Tribulations de                  Pierrette Bourge
25 septembre 2013

Attaque microbienne, neuyrasthénie et Benny Hill

Bon, ça y est, je suis prête à vous parler travail. Pourquoi? Ben, parce que je n'y suis plus, pardi ! Il y a tant à dire, je ne sais pas par où commencer. Par le début? Allez, c'est parti!

En ce moment, j'ai un boulot alimentaire dans tous les sens du terme. Premier sens : je suis dans la restauration ; deuxième sens : c'est vraiment pour payer mon casse-croûte que j'y vais. Je suis employée à la cuisine Just Bone (c'est un presque anagramme amusant, mais comme j'ai signé un contrat de confidentialité et que je suis scrupuleuse de la loi, vous me pardonnerez) et mes 25 collègues et moi préparons de quoi nourrir environ 1 800 personnes.

La première chose qui m'a interpellée, ce sont les dimensions. Tout est gigantesque. Un peu comme si on se retrouvait dans la peau d'un liliputien. Les petites cuillères font la taille de ma tête (et j'ai une tête de taille tout à fait normale), les sauteuses sont grandes comme un lit deux places et les cuves à potage pourraient s'apparenter à un jacuzzi pour 4 personnes.

Au début, c'est très drôle. Si, si. Imaginez un peu, on dirait qu'on a trois ans et qu'on fait mumuse dans une cuisine de grand.

Mais rapidement, on trouve ça beaucoup moins drôle. Par exemple, quand on doit préparer de la purée et que le fouet pèse sept kilos. Ouais, ça fait les pieds bras...

Un autre truc interpellant, c'est l'hygiène. Etant donné que le public est particulièrement fragile (personnes âgées et/ou lourdement handicapées), le respect des normes HACCP doit être draconien. Et les Services Vétérinaires passent régulièrement vérifier tout ça. C'est bien, mais c'est un peu flippant quand même. Je vous explique ?

Pour que vous compreniez bien, il faut prendre un exemple bien particulier, ce sera plus simple. Je choisis de manière totalement arbitraire un aliment, mettons LE LAIT et nous allons suivre son chemin à travers la cuisine, d'accord? C'est parti!

1. LE LAIT a été livré en carton genre cubi de 10 litres, sur des palettes, par des livreurs qui l'ont déposé à la réserve générale de l'économat, et il est ensuite acheminé jusqu'à la chambre froide BOF (Beurre Oeuf Fromage) où il patiente sur des rolls à 3°C, à l'abri d'une violente attaque mircobienne.

2. Au service du décartonnage, LE LAIT croise Sebastien Patoche, le responsable de l'approvisionnement de la cuisine. Tout ce qui sort des réserves, c'est à lui qu'il faut le demander. Il connait par coeur les quantités de yaourts, les dates de péremption du poisson carré congelé et les codes-barres des barquettes d'échantillons. Et évidemment, avec tellement d'informations capitales dans le cerveau, il est encore moins drôle que sa copie.

Sebastien Patoche, bien droit dans sa blouse bleue (blouse bleue = contact avec l'extérieur = aaargh, très dangereux, contamination possible!!), ouvre le carton, sort l'outre de plastique qui contient LE LAIT et la dépose sur un plateau à roulettes en inox, désinfecté bien entendu.

Par précaution, Sebastien Patoche a balancé une ou deux pulvérisations de désinfectant sur le plastique de l'outre de plastique, histoire de la débarrasser des impuretés de l'extérieur. Le plateau à roulettes est poussé jusqu'à une grosse porte rouge (la couleur de la porte signifie "attention! monde en contact avec l'extérieur! contamination microbienne possible!") qu'il passe tout seul (parce qu'on le pousse quand même) et...

3. LE LAIT est réceptionné par un collègue en T-shirt blanc (T-shirt blanc = pas de coontact avec l'extérieur = ok) au service du désousvidage. L'endroit où on enlève le sous-vide, quoi. Où on remet du plein en gros...

Le désouvideur, c'est parfois Sebastien Patoche mais dans ce cas-là, il doit repasser par le sas, mettre ses bottes au lave-bottes de décontamination, enlever sa blouse bleue, se laver les mains, refaire tout le tour de la cuisine par l'intérieur et récupérer son plateau à roulettes avec LE LAIT dessus. Bien sûr, Sebastien Patoche préfère quand il y a quelqu'un d'autre avec lui pour désousvider...

4. Le dessouvideur saisit d'une main experte un couteau qui a été trempé au préalable dans une solution désinfectante et ouvre l'outre en plastique contenant LE LAIT pour verser celui-ci dans un grand bac en polycarbonate.

Attention, les bacs en polycarbonate sont moches une denrée chère donc rare. Il s'agira donc de parcourir plusieurs fois la cuisine (dans le bon sens et en respectant toutes les normes d'hygiène, cela va sans dire) à leur recherche, et de les récolter furtivement (sous peine de se prendre un savon par le premier ouvrier venu) sous le nez des collègues qui eux aussi en ont besoin.

5. Le bac en polycarbonate contenant LE LAIT est placé sur une échelle qui va transiter dans un couloir maintenu à une température raisonnable de 8° pour éviter que LE LAIT et ses amis les aliments hautement à risque ne subissent un choc thermique trop violent (et aussi pour éviter que les employés, rendus neurasthénique par la monotonie de leur travail, ne s'assoupissent), et qui va échouer dans la chambre froide des produits finis, sous une bache avec dessus inscrit le jour prévu d'utilisation.

 6. L'échelle contenant LE LAIT et les autres denrées prévues pour un plat en particulier est récupérée par un employé du secteur concerné. Qu'est-ce que ça veut dire? Et bien, si LE LAIT est prévu pour la crème patissière, le patissier récupère l'échelle qui conjtiendra, outre LE LAIT, la poudre à crème, l'arôme vanille, etc... Mais ne rêvez pas : à Just Bone, la crème patissière est faite à l'eau. Si si.

Quoi d'autre ? Vous voulez pas non plus visiter toute la baraque, si ? Allez, promis, la prochaine fois, on va faire coucou au service de préparation froide !

 

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