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   Les Tribulations de                  Pierrette Bourge
31 janvier 2013

Belle au Bois Dormant, extincteur et Kurt Cobain

Pour tout le monde, y'a les bons jours et les moins bons. Y'a ceux où on se lève morose, où l'on se regarde dans la glace si l'on ose, et où l'on se trouve une drôle de tête. Pas une tête drôle hahaha-ma-tête-est-trop-drôle, non. Une drôle de tête, comme si on avait dormi vingt ans et qu'on venait de se rappeler à quoi servait un peigne. C'est moins drôle, tout de suite. Ceci dit, si on a dormi vingt ans, ça devrait être une belle journée car :

1) on n'a pas dormi cent ans, ce qui devrait signifier qu'on n'est pas la Belle au Bois dormant, et donc qu'il n'y a pas de beaux princes charmants embrochés dans les hautes épines qui entourent le château. C'est pas une bonne nouvelle, ça?

2) on a du récupérer de toutes ces nuits blanches à se déhancher sur la macarena en buvant du mauvais whisky avec des "nouvelles meilleures amies" dont on a déjà oublié le prénom, qu'on avait dénichées près du bar en début de soirée, mais c'est qui qui organise au fait, parce que y'a plus de bière dans le frigo!

3) on s'est endormi au début des années 90, quand tout le monde avait une veste en jean, des Converse et des caleçons longs (oui, ça s'appelait comme ça, les leggings). Le Président était socialiste, on parlait de la récession, du chômage, du racisme, des SDF qui meurent de froid dans les rues. Il y avait des émeutes dans les banlieues à cause de jeunes délinquants qui se faisaient tirer dessus par des policiers, il y avait des manifestations de lycéens, et des fermetures d'usine (Renault à Boulogne billancourt), et la France était en guerre. Finalement, pas grand chose n'a changé. Le seul truc qui va vous choquer dans la journée, c'est d'apprendre que Kurt Cobain est mort, ce con. La bonne nouvelle, c'est que vous allez aussi découvrir les joies d'internet, des CD, du streaming et des radars automatiques.

4) c'est une super occasion d'organiser une grande fête avec tous vos amis de l'époque, pour vous rendre compte qu'ils sont devenus vieux, cons, et que leurs enfantssont très très mal élevés.

Mais dans ces jours moins bons, quand on a l'impression d'avoir dormi vingt ans, ça veut plutôt dire qu'on a une sale tête, et qu'on se découvre un cheveu blanc, une nouvelle ride, des cernes comme des valises et les traits affaissés.

Moi, ces jours-là, j'évite de croiser mon reflet, il me fait peur. Je préfère faire des mini-bilans des choses positives. Parfois, ça fonctionne. Le gros point de ce mini-bilan positif aujourd'hui est :

J'ai contacté plusieurs ferrailleurs hier, rapport à ça :

DSCF9734

Et l'un d'eux a accepté de venir voir. Après avoir gravi l'échelle avec force hésitations et quelques grognements, il a observé le tas à descendre.

M. Ferraille : "Y'a que ça?"

Pierrette Bourge : "Uuui"

M. Ferraille (en levant un sourcil) : "Et vous voulez qu'on vous la paye?"

Pierrette Bourge : "Euh, non, je veux qu'on m'en débarrasse sans que j'aie à me casser le dos avec mes amis."

M. Ferraille : "Et c'est urgent?"

Pierrette Bourge: "Ben, on vide tout le 16 février..."

M. Ferraille: "Je ne viendrai pas moi-même car je ne m'occupe que de gros chantiers. Mais je vais transmettre vos coordonnées à quelqu'un et il vous appelle pour fixer un rendez-vous. Tout sera enlevé avant le 16 février. Bonne soirée."

Voilà. Plus besoin de me faire insulter par le type au béret de la déchetterie. Pas besoin d'imaginer meuler l'énorme socle en acier, et toutes les étincelles qui volent en tous sens et embrassent la poussière de bois et le polystyrène, et de courir en tous sens, paniquée, à la recherche d'un extincteur que je n'ai pas, finir par attraper le seau de ménage rempli d'eau grise à déverser sur les flammes qui, entre temps, sont déjà en train de lécher les poutres. Et voilà comment, en moins de trois minutes, Pierrette Bourge vit disparaître son espoir d'avoir un jour un merveilleux salon-atelier.

Bon, ça va vite dans ma tête, je vous l'accorde. Mais comprenez que, du coup, cette histoire de ferrailleurs qui se débrouillent, ça m'ôte un poids.

Tiens, faut que je pense à acheter un extincteur, moi...

 

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